Newsletter

Vie des affaires

Bail commercial

Baux commerciaux : étendre sa terrasse sur le domaine public peut avoir des conséquences sur le loyer

L'extension de la terrasse d'un commerce sur le domaine public contribue au développement de son activité commerciale, ce qui peut justifier un déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail.

Le déplafonnement du loyer commercial : quelques rappels

Les conséquences du renouvellement du bail sur le loyer

En principe, lors du renouvellement d'un bail commercial, le loyer est plafonné. Autrement dit, le loyer est calculé en fonction de la variation d'un indice (généralement l'indice des loyers commerciaux) ; cette variation constitue un plafond (c. com. art. L. 145-34).

Ce plafonnement peut toutefois être écarté dans certains cas, notamment lorsque des modifications intervenues en cours de bail ont eu un impact sur la valeur locative du bien loué. On parle alors de déplafonnement du loyer. Dans ce cas, le loyer est fixé la valeur locative.

Le déplafonnement du loyer lié à des modifications notables du bail commercial

Le loyer du bail renouvelé peut être déplafonné et fixé à la valeur locative, lorsque des modifications notables ont été apportées aux caractéristiques du local loué, à sa destination, aux obligations respectives des parties et aux facteurs locaux de commercialité (c. com. art. L. 145-33 et R. 145-3 à 145-11).

À défaut d’accord amiable du bailleur et du locataire sur la valeur locative, il revient aux juges d'apprécier souverainement l'existence d'une modification notable et de fixer la valeur locative en prenant en considération les éléments listés ci-dessus (en ce sens : cass. civ., 3e ch., 23 juin 1971, n° 70-10850 et cass. civ., 3e ch., 17 septembre 2008, n° 07-17362).

L’extension d’une terrasse peut-elle constituer un motif de déplafonnement ?

L’exploitation d'une terrasse de restaurant sur le domaine public

Dans une récente affaire, une société exploite un commerce de restaurant-bar-brasserie. En vertu d'une autorisation administrative accordée et renouvelée depuis des dizaines d'années, la terrasse extérieure du commerce est étendue et exploitée sur le domaine public. À l'expiration du bail, les bailleurs acceptent de renouveler le bail moyennant la fixation d’un loyer déplafonné. Par la suite, ils saisissent le juge en vue de la fixation du loyer du bail renouvelé selon la valeur locative.

Selon eux, le déplafonnement du loyer serait justifié du fait de l'agrandissement de la terrasse extérieure sur le domaine public, car elle constituerait une modification notable des caractéristiques des lieux loués.

Qui dit extension de terrasse ne dit pas nécessairement modification des caractéristiques du local loué

La demande des bailleurs est rejetée par les juges d'appel. Pour eux, étant donné que la terrasse est installée sur le domaine public et exploitée en vertu d'une autorisation administrative, elle ne fait pas partie des locaux, de sorte que son agrandissement ne constitue pas une modification des caractéristiques des locaux loués justifiant un déplafonnement.

Sur ce point, le raisonnement des juges d'appel est validé par la Cour de cassation.

En effet, la modification des caractéristiques propres au local peut se caractériser par l'ajout de locaux accessoires ou annexes, dès lors qu'ils sont donnés en location par le même bailleur (c. com. art. R. 145-4). Or, dans cette affaire, l'extension de la terrasse était installée sur le domaine public qui n'appartient pas au bailleur.

Qui dit extension de terrasse dit modification des facteurs locaux de commercialité

Pour autant, la Cour de cassation relève que l'autorisation municipale accordée au locataire d'étendre l'exploitation de sa terrasse sur le domaine public contribue au développement de son activité commerciale.

La Cour censure alors la décision des juges d'appels, considérant qu’ils auraient dû rechercher si cette situation modifiait les facteurs locaux de commercialité, auquel cas un déplafonnement du loyer serait alors justifié.

Rq: Pour rejeter la demande des bailleurs, les juges d'appel arguaient du fait que l'autorisation délivrée par la mairie était temporaire et, par conséquent, précaire dès lors qu'elle pouvait être révoquée à tout moment. Or, les facteurs locaux de commercialité dépendent notamment du lieu d'implantation ou de l'attrait particulier que peut présenter l'emplacement de l'activité commerciale et des modifications que ces éléments subissent, d'une manière durable ou provisoire (c. com. art. R. 145-6).

Pour aller plus loin :

« Le bail commercial », RF 2020-2, §§ 666, 678

Cass. civ., 3e ch., 13 octobre 2021, n° 20-12901