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La loi Vigilance sanitaire ouvre la voie à la prolongation du Pass sanitaire et de plusieurs mesures sociales de crise

La loi Vigilance sanitaire a été définitivement adoptée le 5 novembre 2021 avec comme mesure phare la possibilité de prolonger le Pass sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022. Mais le texte contient d’autres mesures, puisqu’il permet aussi de maintenir, pendant encore quelques mois, l’activité partielle « garde d’enfants/personnes vulnérables », un régime d’activité partielle bonifié pour les employeurs les plus en difficulté ou encore le système des arrêts de travail dérogatoires. Tour d’horizon du volet RH/paye de la loi.

Loi en attente de la décision du Conseil constitutionnel

La loi Vigilance sanitaire a été définitivement adoptée le 5 novembre 2021 par l’Assemblée nationale, qui a donc eu le dernier mot après l’échec de la commission mixte paritaire.

Comme cela était prévisible, l’Assemblée est revenue sur la quasi-totalité des modifications apportées par le Sénat, qui avait bouleversé le texte (voir notre actu du 29 octobre 2021, « Projet de loi de vigilance sanitaire : le Sénat vote pour un Pass sanitaire territorialisé jusqu’au 28 février 2022 »).

La loi entrera en vigueur une fois publiée au Journal officiel.

Mais avant cette dernière étape, elle doit encore passer l’obstacle du Conseil constitutionnel qui a été saisi dès après son adoption définitive.

[NDLR 16/11/2021 : la loi a été publiée au Journal officiel du 11 novembre 2021 - loi 2021-1465 du 10 novembre 2021, JO du 11 ; sur le volet social, le Conseil constitutionnel a invalidé les dispositions habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance en matière d’APLD et d’arrêts de travail dérogatoire ; voir plus loin].

Possibilité d’appliquer le Pass sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022

Depuis le 2 juin 2021, un régime de sortie de crise sanitaire a pris le relais de l’état d’urgence sanitaire antérieurement en vigueur (loi 2021-689 du 31 mai 2021, art. 1, modifié par loi 2021-1040 du 5 août 2021).

C’est ce cadre juridique qui a en particulier permis au gouvernement de mettre en place le Pass sanitaire.

La loi Vigilance sanitaire prolonge le régime de sortie d’urgence sanitaire et fixe son terme au 31 juillet 2022 (au lieu du 15 novembre 2021) (loi art. 2, 1° a et b ; loi 2021-689 du 31 mai 2021, art. 1 modifié).

Ce faisant, les pouvoirs publics ont donc la possibilité, comme ils le souhaitaient, de maintenir le Pass sanitaire jusqu’au 31 juillet 2022.

Néanmoins, la loi renforce les conditions de recours au Pass sanitaire, en précisant que son utilisation est possible « si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé », sur la base d’indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination, le taux de positivité des tests de dépistage, le taux d’incidence ou le taux de saturation des lits de réanimation.

À noter : la loi fixe donc des critères qui justifient le recours au Pass sanitaire, même si elle ne va pas jusqu’à les chiffrer. Précisons que le texte permet de prolonger le Pass sanitaire, mais également, s’il venait à être levé en cas d’amélioration de la situation, de le réactiver en cas de nouvelle dégradation, et ce, jusqu’au 31 juillet 2022.

Renforcement des sanctions en cas de fraude au Pass sanitaire

Aujourd’hui, la loi sanctionne par une contravention de 4e classe (amende maximale de 750 €) l’utilisation frauduleuse d’un Pass sanitaire authentique ou la transmission d’un Pass en vue d’une utilisation frauduleuse (loi 2021-689 du 31 mai 2021, art. 1, II, D, dernier alinéa).

La loi nouvelle distingue trois situations (loi art. 2, 1°, c ; loi 2021-689 du 31 mai 2021, art. 1, II, D modifié) :

-l’utilisation d’un Pass sanitaire authentique appartenant à autrui reste sanctionnée d’une contravention de 4e classe ;

-la transmission d’un Pass sanitaire authentique en vue de son utilisation frauduleuse serait également sanctionnée d’une contravention de la 4e classe ;

-en revanche, commettre, utiliser, procurer ou proposer de procurer un faux Pass sanitaire devient passible de 5 ans de prison et de 75 000 € d’amende.

Contrôle du Pass sanitaire et de l’obligation vaccinale

La loi autorise le médecin conseil de la caisse d’assurance maladie à contrôler le certificat de contre-indication à la vaccination contre le covid-19 (qui vaut Pass sanitaire), à l’image de ce qui est déjà prévu dans le cadre de l’obligation vaccinale (loi art. 2, 1°, d ; loi 2021-689 du 31 mai 2021, art. 1, II, J modifié).

À noter : cette mesure n’est pas applicable à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, ni à Wallis et Futuna (loi art. 2, 3°, c et 4°).

En outre, la loi réécrit, dans un souci de clarification, les dispositions de la loi du 5 août 2021 sur le contrôle de l’obligation vaccinale (loi art. 4, 1° à 3° ; loi 2021-1040 du 5 août 2021, art. 13, II modifié). Sans changement, pour les salariés ou les agents publics concernés, le contrôle du respect de l’obligation vaccinale reste assuré par l’employeur.

Enfin, la sanction pénale pour usage d’un faux certificat de vaccination, d’un faux certificat médical de contre-indication à la vaccination ou d’un faux certificat de rétablissement, en vue de se soustraire à l’obligation vaccinale, est alignée sur celle applicable en cas d’utilisation d’un faux Pass sanitaire : jusqu’à 5 ans de prison et 75 000 € d’amende (loi art. 4, 4° ; loi 2021-1040 du 5 août 2021, art. 13, VI modifié).

Dernière mesure à signaler : si une procédure est engagée contre un professionnel de santé pour établissement d’un faux certificat de vaccination, le procureur de la République en informe son conseil national de l’ordre, comme cela était déjà prévu pour un faux certificat de contre-indication à la vaccination.

Prorogation du cadre législatif de l’état d’urgence sanitaire… « au cas où »

Le cadre législatif de l’état d’urgence sanitaire institué en mars 2020 devait en principe s’éteindre le 31 décembre 2021 (loi 2020-290 du 23 mars 2020, art. 7, modifié par loi 2021-160 du 15 février 2021).

La loi Vigilance sanitaire en reporte le terme au 31 juillet 2022 (loi art. 1 ; loi 2020-290 du 23 mars 2020, art. 7 modifié ; c. santé pub. art. L. 3821-11 et L. 3841-2 modifiés).

Jusqu’à cette date, en cas de besoin, le gouvernement pourra donc réactiver l’état d’urgence sanitaire (régime qui permet notamment d’imposer des mesures de confinement ou de couvre-feu).

Prorogation de l’état d’urgence sanitaire en Guyane et en Martinique jusqu’à la fin 2021

Enfin, la loi prolonge l’état d’urgence sanitaire en vigueur en Guyane et en Martinique jusqu’au 31 décembre 2021 (loi art. 2, 2° ; loi 2021-689 du 31 mai 2021, art. 3, II et III modifiés).

À noter : dans la plupart des autres territoires d’outre-mer (Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie), l’état d’urgence sanitaire, actuellement encore applicable, doit prendre fin au 15 novembre 2021 (loi 2021-689 du 31 mai 2021, art. 3, modifié par loi 2021-1172 du 11 septembre 2021). À La Réunion, il a pris fin de manière anticipée le 15 octobre 2021 (décret 2021-1328 du 13 octobre 2021).

Prolongation du régime d’activité partielle modulée jusqu’au 31 juillet 2022

Parmi les mesures de soutien aux entreprises, le gouvernement a mis en place, par une ordonnance du 24 juin 2020, un dispositif d’activité partielle modulée, permettant de faire varier le taux horaire des indemnités et des allocations d’activité partielle en fonction des secteurs d’activité et des caractéristiques des entreprises.

Concrètement, certains employeurs (et leurs salariés) peuvent encore bénéficier actuellement, et jusqu’au 31 décembre 2021, de taux majorés d’indemnisation fixés par décret (voir notre actu du 28/10/2021, « Activité partielle : un second décret confirme le « zéro reste à charge » jusqu’au 31 décembre 2021 »).

Néanmoins, en l’état des textes, le gouvernement ne peut pas aller au-delà 31 décembre 2021 sans modification de l’ordonnance de juin 2020.

Pour ce faire, la loi Vigilance sanitaire ouvre au gouvernement la possibilité de maintenir des taux majorés d’indemnisation jusqu’au 31 juillet 2022 pour certains secteurs d’activité et certaines entreprises, si un rebond de l’épidémie de covid-19 le nécessite (loi art. 10, I ; ord. 2020-770 du 24 juin 2020, art. 1 et 2 modifiés). Restera ensuite à prendre les décrets nécessaires, si les pouvoirs publics décident de maintenir des taux majorés au-delà de l’année 2021.

Prolongation du régime d’activité partielle « garde d’enfant/personnes vulnérables »

Les salariés contraints de rester chez eux soit en raison de leur vulnérabilité au covid-19, soit pour garder un enfant de moins de 16 ans (ou une personne en situation de handicap) faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile doivent être placés en activité partielle lorsqu’ils sont dans l’impossibilité de travailler (loi 2020-473 du 25 avril 2020, art. 20 modifié ; ord. 2020-1639 du 21 décembre 2020, art. 2).

La loi prolonge ce dispositif jusqu’au 31 juillet 2022 au plus tard, alors qu’il devait en principe venir à échéance au 31 décembre 2021 (loi art. 10, II ; loi 2020-473 du 25 avril 2020, art. 20, III modifié).

Le gouvernement pourra décider de l’interrompre par anticipation, si la situation sanitaire venait à le permettre.

Possibilité d’aménager l’APLD par ordonnance

L’activité partielle de longue durée (APLD) permet aux entreprises confrontées à une réduction d’activité durable de recourir au chômage partiel sur une plus longue durée et avec une meilleure indemnisation que dans le cadre du chômage partiel classique, mais avec des contreparties en termes de maintien de l’emploi.

Ce dispositif est institué à titre temporaire jusqu’au 30 juin 2022 (loi 2020-734 du 17 juin 2020, art. 53, IX). Ainsi, les entreprises souhaitant recourir à l’APLD doivent transmettre à l’administration leurs accords collectifs ou documents unilatéraux, pour homologation ou validation, au plus tard le 30 juin 2022.

La loi autorise le gouvernement, jusqu’au 31 juillet 2022, à prendre par ordonnance toute mesure permettant l’adaptation des dispositions relatives à l’APLD (loi art. 14, I). Selon l’étude d’impact qui accompagnait la version initiale du projet de loi, le gouvernement souhaiterait notamment permettre aux entreprises disposant d’un accord d’APLD validé ou d’un document unilatéral homologué de pouvoir établir des avenants aux accords ou des modifications aux documents unilatéraux au-delà du 30 juin 2022. En pratique, tout dépendra des éventuelles ordonnances à venir.

[NDLR 16/11/2021 : le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition qui visait à habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnance en matière d’APLD pour des raisons de procédure parlementaire, la mesure finalement votée étant issue d’un amendement parlementaire et non d’un amendement gouvernemental ; c. constit., décision 2021-828 DC du 9 novembre 2021, JO du 11].

Arrêts de travail dérogatoires covid-19

Le régime des arrêts de travail dérogatoires a, en dernier lieu, été prolongé par décret jusqu’au 31 décembre 2021 (décret 2021-1412 du 29 octobre 2021, JO du 30 ; voir notre actu du 2 novembre 2021, « Arrêts de travail dérogatoires : un décret prolonge le dispositif jusqu’au 31 décembre 2021 »).

Néanmoins, le gouvernement veut pouvoir garder ce dispositif dans son arsenal, au moins pour quelques mois encore. Et pour ce faire, il faut une disposition législative.

Pour des raisons de technique juridique liées à des questions de constitutionnalité, le gouvernement procède via deux textes séparés :

-le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), en cours d’examen pour le volet indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) ;

-et la loi Vigilance sanitaire pour la partie relative à l’indemnisation complémentaire par l’employeur.

La loi Vigilance sanitaire prolonge donc le volet indemnisation complémentaire employeur « code du travail » du dispositif des arrêts de travail dérogatoires jusqu’à une date fixée par décret au plus tard le 31 juillet 2022 (loi art. 13).

En outre, la loi habilite le gouvernement, jusqu’au 31 juillet 2022, à prendre par ordonnance toute mesure pour « rétablir, adapter ou compléter » les dispositions dérogatoires concernant l’indemnité complémentaire de l’employeur, si des modifications plus substantielles devaient être apportées au dispositif. Ces mesures seront applicables au plus tard jusqu’au 31 juillet 2022. Chaque ordonnance pourra prévoir une application rétroactive de ses dispositions d’au plus un mois.

Des mesures analogues sont prévues pour la partie sécurité sociale (IJSS) de l’indemnisation des arrêts de travail dérogatoires dans le PLFSS pour 2022, toujours en cours d’examen par le Parlement. En l’état, le PLFSS prévoit pour sa part une prolongation du volet « IJSS » jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard.

[NDLR 16/11/2021 : le Conseil constitutionnel a invalidé la disposition qui visait à habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnance sur le volet « indemnisation complémentaire employeur » des arrêts de travail dérogatoires pour des raisons de procédure parlementaire, la mesure finalement votée étant issue d’un amendement parlementaire et non d’un amendement gouvernemental ; c. constit., décision 2021-828 DC du 9 novembre 2021, JO du 11].

Prolongation des missions exceptionnelles des services de santé au travail jusqu’au 31 juillet 2022

Dans le cadre de la crise sanitaire, l’État a confié aux services de santé au travail (SST) une série de missions de portée générale en matière d’information, de prévention, de dépistage et de vaccination, qui avaient été reconduites en dernier lieu jusqu’au 30 septembre 2021 (ord. 2020-1502 du 2 décembre 2020, art. 1 et 4 ; loi 2021-689 du 31 mai 2021, art. 8, XVI).

La loi prolonge ces missions jusqu’au 31 juillet 2022 (loi art. 10, VI ; ord. 2020-1502 du 2 décembre 2020, art. 4, I modifié).

À noter : pour mémoire, ces missions consistent en la diffusion de messages de prévention contre le risque de contagion, l’appui aux entreprises en matière de prévention et d’adaptation des organisations de travail aux effets de la crise sanitaire et la participation aux actions de dépistage et de vaccination définies par l’État.

Par ailleurs, à titre exceptionnel, les médecins du travail ont été habilités, jusqu’au 30 septembre 2021, à délivrer des arrêts de travail aux salariés infectés ou suspectés d’être infectés par le covid-19 et des certificats d’isolement (ord. 2020-1502 du 2 décembre 2020, art. 2 et 4 ; loi 2021-689 du 31 mai 2021, art. 8, XVI). La loi proroge cette faculté jusqu’au 31 juillet 2022 (loi art. 10, VI ; ord. 2020-1502 du 2 décembre 2020, art. 4, I modifié).

De même, les médecins du travail et, sous leur supervision, d’autres professionnels de santé des SST, pourront prescrire et réaliser des tests de dépistage du covid-19.

Des précisions sur l’obligation vaccinale dans les structures de la petite enfance

Le 25 octobre 2021, le juge des référés du Conseil d’État a estimé que l’obligation vaccinale contre le covid-19 s’appliquait à l’ensemble des personnels des établissements de la petite enfance situés hors d’un établissement de santé (ex. : crèche), dès lors que des professionnels de santé y travaillent (infirmières, auxiliaires de puériculture) (CE 25 octobre 2021, n° 457230).

Cette décision a donc mécaniquement conduit à assujettir à l’obligation de vaccination tant les professionnels de santé proprement dits que les autres professionnels (ex. : agent administratif) travaillant dans ces établissements, ce qui n’était pas l’intention du législateur.

Sénateurs et députés ont donc décidé d’introduire dans la loi des dispositions pour remédier à cette difficulté et contrer la décision du Conseil d’État (loi art. 5 ; loi 2021-1040 du 5 août 2021, art. 12, I bis nouveau).

Il est donc désormais expressément précisé que dans les établissements d’accueil du jeune enfant, les établissements et services de soutien à la parentalité et les établissements et services de protection de l’enfance, tels que les foyers de l’enfance, les villages d’enfants ou encore les maisons d’enfants à caractère social, situés hors d’un établissement de santé, l’obligation vaccinale n’est applicable qu’aux professionnels et aux personnes dont l’activité comprend l’exercice effectif d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins attachés à leur statut ou à leur titre.

Loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire définitivement adoptée le 5 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0685_texte-adopte-provisoire.pdf