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Social

À travail égal, salaire égal

La date d'embauche ne suffit pas à justifier une différence de traitement entre des salariés

Nouvelle illustration d’un principe bien établi : un accord collectif ne peut pas instituer une différence de traitement au détriment des salariés embauchés après son entrée en vigueur. L’occasion de rappeler que le mécanisme de présomption de justification dont bénéficent certains accords collectifs est étroitement encadré.

Principe : certaines différences de traitement instituées par accord collectif sont présumées justifiées

Par exception au principe d’égalité de traitement (cass. soc. 29 octobre 1996, n° 92-43680, BC V n° 359), un accord collectif négocié et signé par des syndicats représentatifs peut instituer des différences de traitement :

-entre des salariés appartenant à des catégories professionnelles différentes (cass. soc. 27 janvier 2015, n° 13-22179, BC V n° 9) ;

-entre des salariés exerçant des fonctions différentes au sein d’une même catégorie professionnelle (cass. soc. 8 juin 2016, n° 15-11324, BC V n° 130) ;

-entre des salariés appartenant à des établissements différents, que l’inégalité de traitement résulte d’un accord d’établissement ou d’un accord d’entreprise (cass. soc. 3 novembre 2016, n° 15-18444, BC V n° 206 ; cass. soc. 4 octobre 2017, n° 16-17517, BC V n° 170) ;

-dans le cas d’un prestataire de services, entre des salariés affectés à des sites distincts (cass. soc. 30 mai 2018, n° 17-12782 FPPB).

Dans ces situations, ce n’est pas à l’employeur de démontrer que l’inégalité en cause repose sur une raison objective, mais aux salariés ou aux syndicats de prouver qu’elle est étrangère à toute considération de nature professionnelle (cass. soc. 27 janvier 2015, n° 13-25437, BC V n° 10 ; cass. soc. 27 janvier 2015, n° 13-22179, BC V n° 9 ; cass. soc. 27 janvier 2015, n° 13-14773, BC V n° 8).

En revanche, dès lors que l’on sort des hypothèses envisagées par la jurisprudence, la présomption tombe et l’on en revient au mécanisme classique de preuve : l’employeur doit justifier que la différence de traitement repose sur des raisons objectives (cass. soc. 3 avril 2019, n° 17-11970 FPPBRI).

Une prime liée à la performance avec un montant minimal garanti plus favorable pour les salariés déjà en poste

Une société du textile avait institué, par un accord collectif d’entreprise conclu le 22 mars 2006, une « prime variable de performance ».

Il s’agissait apparemment d’unifier les diverses primes liées à la performance. En effet, l’accord garantissait aux salariés un montant minimal égal à « la somme individuelle des primes de qualité, rendement et valeur personnelle avant accord ».

Mais cet accord réservait un sort particulier aux ouvriers et aux ETAM embauchés après le 1er avril 2006. En effet, pour cette catégorie de personnel, le montant minimal garanti s’élevait à « la somme des primes qualité et rendement minima rencontrées dans le service concerné ». La prime de « valeur personnelle » n’entrait donc pas dans la comparaison.

Un salarié embauché en 2012 avait invoqué devant les prud’hommes cette atteinte au principe d’égalité de traitement et réclamé un complément de prime variable de performance.

La cour d’appel a fait droit à sa demande et c’est en pure perte que l’employeur s’est pourvu en cassation.

Une différence de traitement injustifiée

Une différence de traitement qui ne relevait pas des inégalités présumées justifiées. - Pour rappel, les inégalités de traitement instituées par accord collectif sont présumées justifiées lorsqu’elles concernent des salariés de catégories professionnelles différentes ou des salariés d’une même catégorie professionnelle, mais occupant des fonctions différentes.

Dans le cas présent, l’accord d’entreprise du 22 mars 2006 créait une inégalité entre des salariés d'une même catégorie professionnelle, placés dans une situation identique. L’employeur ne pouvait donc pas bénéficier de la présomption de justification.

Une différence de traitement qui ne reposait pas sur des raisons objectives et pertinentes. - En règle générale, le seul fait que des salariés aient été embauchés avant ou après l’entrée en vigueur d’un accord collectif ne suffit pas à justifier les différences de salaire entre eux (cass. soc. 4 février 2009, n° 07-41406, BC V n° 35 ; cass. soc. 10 octobre 2013, n° 12-21106 D). Il faut une raison objective et pertinente, par exemple le souci de compenser un préjudice subi par les seuls salariés déjà en poste (cass. soc. 31 octobre 2006, n° 03-42641, BC V n° 320).

Cependant, dans cette affaire, l’employeur n’était pas parvenu à justifier la différence de traitement par « des raisons objectives et pertinentes ». Le salarié devait bénéficier d’un rappel de salaire.

Cass. soc. 14 décembre 2022, n° 21-16418 D