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Enfreindre la procédure des « conventions réglementées » est répréhensible, même sans dissimulation

Le dirigeant qui conclut une convention réglementée sans avoir respecté la procédure d'autorisation préalable est fautif. Il importe peu qu'il ait, ou non, dissimulé la conclusion de cette convention.

Une procédure particulière pour éviter les conflits d'intérêts

Procédure des conventions réglementées. - Dans une SA, lorsqu’une convention est conclue entre la société et l’un de ses dirigeants ou actionnaires détenant plus de 10 % des droits de vote, la procédure de contrôle des conventions réglementées doit être suivie (c. com. art. L. 225-38 et L. 225-86).

Dans ce cadre, le dirigeant ou l'actionnaire concerné est tenu d'informer le conseil d'administration ou de surveillance, avant la signature de la convention, pour obtenir son autorisation préalable. Puis, le président du conseil d'administration ou de surveillance soumet la convention à l'approbation de l'assemblée générale (c. com. art. L. 225-40 et L. 225-88).

Notons qu’une procédure comparable existe dans les SARL et les SAS dans lesquelles les conventions doivent être approuvées par une décision collective des associés (c. com. art. L. 223-19 et L. 227-10).

Sort d'une convention non autorisée. - Dans la SA, si la convention n'est pas soumise à l'autorisation préalable du conseil, elle peut être annulée mais seulement si elle a des conséquences dommageables pour la société. La responsabilité de l'intéressé peut aussi être engagée (c. com. art. L. 225-42 et L. 225-90). Dans les SARL et les SAS, la convention non approuvée produit néanmoins ses effets, à charge pour l'intéressé de supporter les conséquences préjudiciables de ce contrat pour la société (c. com. art. L. 223-19 et L. 227-10).

En outre, le dirigeant de la société peut être condamné en raison des fautes commises dans sa gestion (c. com. art. L. 225-251, L. 223-22 et L. 227-8). En effet, cette action peut se cumuler avec la mise en oeuvre de la responsabilité pour non respect de la procédure de contrôle des conventions réglementées (cass. com. 18 décembre 2024, n° 22-21487).

Un dirigeant condamné même en l'absence de dissimulation de la convention

Une convention non autorisée. Dans une SA à conseil de surveillance et directoire, le président du directoire conclut un accord collectif instituant un régime de compte épargne temps.

Dix ans plus tard, le président du directoire, également salarié de la SA, part à la retraire et reçoit un peu plus de 55 000 € au titre de son compte épargne temps.

Par la suite, la SA reproche à ce dirigeant de ne pas avoir respecté la procédure de contrôle des conventions réglementées qui devait s'appliquer, c'est-à-dire de ne pas avoir sollicité ni obtenu l'autorisation préalable du conseil de surveillance avant de signer l'accord collectif.

Pour la société, le président du directoire a commis une faute de gestion. Elle l'assigne donc en restitution des sommes perçues au titre de son compte épargne temps.

L'absence de faute du dirigeant pour la cour d'appel. - La cour d'appel rejette la demande de la société, estimant que :

-d'une part, le président du directoire n'a pas eu pour volonté de dissimuler l'existence d'un compte épargne temps ;

-d'autre part, l'absence d'autorisation préalable du conseil de surveillance ne suffit pas pour caractériser un acte fautif du président.

La censure de la Cour de cassation. - La société forme un pourvoi en cassation et la haute juridiction casse l'arrêt de la cour d'appel.

En effet, la Cour de cassation précise que le non-respect de la procédure des conventions réglementées constitue, en soi, une infraction aux dispositions législatives applicables en la matière et donc une faute de gestion. De ce fait, la responsabilité du dirigeant peut être engagée.

En conséquence, le dirigeant fautif peut être condamné à rembourser les rémunérations reçues en vertu de l'accord litigieux, afin de réparer le préjudice subi par la société.

À noter. Cette solution rendue en application des règles de la SA est, nous semble-t-il, transposable aux SARL ou SAS.

Pour aller plus loin :

« Le mémento de la SA non cotée », RF Web 2023-5, §§ 576 et 1059

« Le mémento de la SAS et de la SASU », RF web 2025-2, § 450

« Le mémento de la SARL et de l'EURL », RF web 2024-1, § 620

Cass. com. 17 septembre 2025, n°23-20052