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Fiscal

Acte anormal de gestion

La renonciation à percevoir une augmentation de loyer est un acte anormal de gestion

La non-application d’une clause d’indexation des loyers et l’absence de revalorisation des loyers après des travaux d’agrandissement constituent des renonciations à recettes constitutives d’un acte anormal de gestion.

Deux conjoints, M et Mme A, détiennent le capital de la SARL R exerçant une activité immobilière. L’immeuble acquis par la société R est donné en location aux autres sociétés du groupe détenu par M. et Mme A et à ces derniers au titre de leur habitation principale

Dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL R portant sur les exercices 2010, 2011 et 2012, l’administration a estimé que cette société a renoncé à des recettes et commis des actes anormaux de gestion :

-en n’appliquant pas les clauses d’indexation des loyers suivant l’indice du coût de la construction prévues par les baux signés avec ses locataires ;

-en ne revalorisant pas les loyers suite à d’importants travaux ayant conduit à une augmentation des surfaces louées.

La Cour administrative d’appel de Douai donne raison à l’administration.

Non-application de la clause d’indexation. L’absence de revalorisation du loyer d’un bail par application d’une clause contractuelle d’indexation conduit la société à se priver d’une recette, privation qui constitue un appauvrissement de la société constitutif d’un acte anormal de gestion, sauf preuve contraire apportée par le contribuable.

À ce sujet, la SARL R fait valoir que la découverte en 2000 d’un champignon dans la structure en bois de l’immeuble a conduit à des travaux. En accord avec les occupants, en contrepartie des nuisances générées par ceux-ci, il a été convenu de ne pas augmenter les loyers jusqu’à la fin des travaux. Or, ces travaux n’ont duré que jusqu’en 2001.

Par ailleurs, si la société allègue des travaux d’agrandissement des locaux poursuivis jusqu’en 2010, il ne résulte pas de l’instruction que ceux-ci auraient empêché la jouissance des locaux et forcé les locataires à quitter les lieux loués. Dès lors et compte tenu de la circonstance que M. A est à la fois le gérant de la SARL R, le gérant des sociétés hébergées dans l’immeuble et le titulaire du bail d’habitation, les nuisances générées par les travaux ne peuvent être regardées comme une contrepartie suffisante pour justifier l’absence de revalorisation des baux.

Absence de revalorisation du loyer des locaux à usage d’habitation. D’importants travaux ont abouti à une augmentation de la surface louée à M. et Mme A alors que le loyer est resté inchangé.

Pour estimer l’insuffisance de loyer, l’administration s’est bornée à rapporter à la nouvelle surface habitable de 200 m² le loyer annuel initial, corrigé par application de l’indexation contractuellement prévue et initialement omise par la société. C’est à bon droit que l’administration a estimé que cette renonciation à recette était constitutive d’un acte anormal de gestion.

La SARL R ne peut utilement soutenir que la législation sur les baux interdit la réévaluation du loyer à l’initiative du bailleur pendant l’application du bail pour tenir compte de travaux, les parties pouvant convenir, par une clause expresse, de travaux d’amélioration du logement que le bailleur fera exécuter et le contrat de location ou un avenant à ce contrat fixe la majoration du loyer consécutive à la réalisation de ces travaux. Dès lors, il était loisible à la SARL R, dont le gérant est M. A, de prévoir une telle clause dans le contrat de bail signé avec M. et Mme A.

Absence de revalorisation du bail commercial. La surface louée à la société holding du groupe à compter de 2008 ne tenait pas compte de la valeur locative réelle des surfaces louées, celles-ci ayant augmenté à la suite de la réalisation d’importants travaux. L’administration a estimé que la méthode de calcul des loyers, qui ne tenait compte ni de la surface agrandie ni de la valeur locative, mais d’un rendement de 8 à 10 % du montant des travaux, aboutissait à une minoration indue des loyers, constitutive d’un acte anormal de gestion.

Pour la Cour administrative d’appel, s’il est loisible de prendre en compte dans la fixation d’un loyer le rendement des travaux investis dans la rénovation de locaux, c’est à la condition que cette prise en compte n’aboutisse pas à une minoration indue du montant du loyer réclamé, lequel doit tenir compte avant tout de la valeur locative en fonction des conditions de marché en vigueur au moment de la fixation de loyer. Pour estimer l’insuffisance de loyer, l’administration a rapporté à la surface louée de 230 m² (pondérée pour tenir compte de la situation sous les combles des locaux loués) au loyer au m² des autres occupants à titre professionnel de l’immeuble avant 2008, corrigé par application de l’indexation contractuellement prévue et initialement omise.

La circonstance que l’administration n’a produit aucune référence pour des locaux comparables reste sans influence dès lors que celle-ci s’est référée aux loyers pratiqués par la SARL R pour ces mêmes locaux de 2000 à 2007 pour les autres entreprises contrôlées par M. A. Ainsi, c’est à bon droit que l’administration a réévalué le loyer en tenant compte du loyer payé par l’entreprise.

CAA Douai 28 octobre 2021, n° 19DA00178